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« Portrait de Stéphane Mandelbaum », de Véronique Sels : le feuilleton littéraire de Tiphaine Samoyault

« Portrait de Stéphane Mandelbaum », de Véronique Sels, CFC, 144 p., 18 €.
La vie du peintre belge Stéphane Mandelbaum présente tous les ingrédients d’un bon biopic. Né en 1961 à Bruxelles d’un père juif et d’une mère arménienne, il s’exprime dès son plus jeune âge par le dessin, pour lequel il semble avoir un talent inné. Il est assassiné en 1986, à l’âge de 25 ans, retrouvé plusieurs semaines après sa mort par des enfants dans un terrain vague de la banlieue de Namur. Pendant sa courte vie, il a produit une œuvre considérable, au style expressionniste halluciné : tantôt de grandes toiles évoquant le nazisme, le sexe et la destruction, tantôt des dessins au stylo-bille ou au crayon mêlant portraits, calligraphie hébraïque, points et listes de forfaits. Les deux dernières années de sa vie, il fréquentait une bande de trafiquants et de voleurs dans le quartier de Matonge, à Bruxelles, se tenant plus proche du crime organisé que de la peinture. Pour avoir réclamé son dû après le vol d’un Modigliani qui s’est révélé être un faux (ce qu’il conteste), il est liquidé par ses anciens partenaires. Comète, destin brisé, génie, les clichés ne manquent pas pour décrire cet itinéraire où la création côtoie constamment le désastre.
Véronique Sels n’est pas la première à écrire la vie de Stéphane Mandelbaum. Marcel Moreau (Opéra gouffre ou S. M. assassiné, La Pierre d’alun, 1988) et Gilles Sebhan (Mandelbaum ou le rêve d’Auschwitz, Les Impressions nouvelles, 2019) l’ont fait avant elle. Dans Même pas mort ! (Genèse, 2022), l’écrivaine avait fait un roman de sa vie posthume, l’imaginant encore vivant un peu partout dans le monde. Portrait de Stéphane Mandelbaum adopte une forme plus simple en suivant de façon linéaire la vie de l’artiste à partir des archives, une connaissance approfondie de l’œuvre et le témoignage des proches.
La part de fiction est réduite, si ce n’est que le texte prend la forme d’une autobiographie fictionnelle autour de l’amorce immortalisée par Georges ­Perec : « Je suis né… » (Seuil, 1990), qui scande tout le texte comme une longue litanie. On suit une enfance plutôt heureuse, au centre d’une fratrie de trois avec un père peintre (reconnu et encore vivant à ce jour) et une mère illustratrice. La fin de l’enfance est marquée par un joyeux désordre : les effets de Mai 68 se font sentir et les parents pratiquent la vie communautaire, l’amour libre et les substances hallucinogènes. Les enfants ne sont soumis à aucune autorité. A 12 ans, Stéphane, qui ne sait toujours pas écrire car il est gravement dyslexique, est envoyé dans une institution pilote dans la région des corons à La Louvière, le Snark, où il apprend les bases mais où il est libre de suivre ou non le ­programme. Comme le dessin « coule de sa main », il est bientôt formé dans les différentes écoles d’art que compte le pays. Le père, merveilleux personnage dans le livre, se sent très vite dépassé par le fils, sans en éprouver le moindre ressentiment. Des galeries commencent à exposer Stéphane alors qu’il a 20 ans. Il n’est pas ­encore célèbre mais celles et ceux qui ­approchent de lui et de sa peinture sont fascinés.
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